L’actuel contrat-type sous-traitance en vigueur date du décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003 publié au Journal officiel de la République française du 30 décembre 2003.
Il donc normal pour la profession de mettre à jour ce contrat-type aux vues, notamment des différentes évolutions technologiques du métier de transporteur public routier.
Un décret paru au J.O le 01 juillet 2019
La nouvelle mouture du contrat type sous-traitance est parue le 01 juillet 2019 par le Décret no 2019-695 du 1er juillet 2019 relatif au contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants.
Celle-ci sera applicable au 01 octobre 2019.
Il est probable que lors de l’examen de capacité de transport du 02 octobre, cette nouvelle version ne soit pas évoquée car à peine rentrée en vigueur le jour de l’examen.
Quels sont les changements apportés par ce nouveau contrat-type ?
Dans les grandes lignes, le nouveau contrat-type n’apporte pas de grands changements. Cependant, de nombreuses précisions sont apportées afin de clarifier encore plus la relation entre les opérateurs et les transporteurs sous-traitants.
Qui sont les concernés de ce nouveau contrat type ?
Malheureusement, le contrat type sous-traitance ne prends toujours pas en compte les opérations dites “spot” ponctuelles, qui au vu de l’évolution du métier notamment avec l’ubérisation du transport routier du dernier kilomètre, aurait mérité un petit paragraphe.
Le nouveau contrat-type restera donc pour la relation opérateur / transporteur sous-traitant dans le cadre d’une relation contractuelle régulière.
Dans les définitions de la profession
Dans le cadre du nouveau contrat type, quelques précisions sont apportées notamment pour la définition du commissionnaire de transport et celle de la collecte et distribution.
Il est dorénavant précisé que le commissionnaire “organise librement” le déplacement des marchandises. Il reste donc libre d’utiliser les voix qui lui semblent les plus appropriées.
Les termes usuels de “ramasse” et “livraison” sont inclus aux cotés des termes “collecte” et “distribution”
Un article dédié au respect de l’exercice de la profession et lutte contre le travail dissimulé
Dans cette nouvelle mouture, l’article 3 est entièrement dédié au respect de l’exercice de la profession de transporteur routier.
Le sous-traitant continuera de transmettre à l’opérateur de transport et ce avant la conclusion du contrat les documents justifiants de son inscription au registre des transporteurs. Il est maintenant préciser qu’il devra transmettre la photocopie de la licence dite d’entreprise en cours de validité à l’opérateur de transport.
Aussi, dans le cadre de la lutte contre la travail dissimulé, le transporteur sous-traitant résident en France devra remettre tous les 6 mois les documents suivants :
- K-bis
- Attestation URSSAF / attestation de non emploi de salarié
- Liste des travailleurs étrangers / attestation de non emploi de travailleurs étrangers.
Les sous-traitants ne résident pas en France devront quant à eux transmettre :
- Document attestant sa régularité de paiement des cotisations sociales
- Numéro de TVA intracommunautaire
- Un document mentionnant son numéro individuel d’identification attribué en application de l’article 286 ter du code général des impôts ou, s’il n’est pas tenu d’avoir un tel numéro, un document – facture ou tout document commercial – mentionnant son identité et son adresse ou, le cas échéant, les coordonnées de son représentant fiscal ponctuel en France
- Une copie de l’attestation de détachement pour chaque conducteur salarié
La fourniture de l’attestation de détachement permettra sans doute, le dumping social existant actuellement.
L’organisation du service encore plus précise
Jusque là, les opérateurs de transports pouvaient annexer des documents afin de préciser les conditions de réalisation des opérations de transport notamment en terme de norme qualité, sécurité et/ou environnementale.
A partir du 01 octobre 2019, l’opérateur de transport indiquera directement dans le cadre de son contrat :
- Les normes de qualité demandées par l’opérateur de transport au sous-traitant pour la réalisation de ces prestations ;
- Les exigences environnementales applicables aux véhicules utilisés par le sous-traitant ; Les éventuelles prestations annexes, telles que, par exemple, la palettisation, le filmage, l’empotage, etc. ;
- Les équipements particuliers du ou des véhicules utilisés par le sous-traitant ou l’affectation d’un ou plusieurs véhicules aux prestations confiées ;
- Les procédures d’exécution des prestations (cahier des charges opérationnel, comportant, par exemple, la mention des horaires de prise en charge des colis et le mode de contrôle de la conformité du chargement comprenant le tri des colis dans le cadre de l’organisation de la tournée, le pointage colis par colis, le scannage et le chargement, etc.) ;
- La procédure d’échange d’informations relative aux opérations confiées pendant le transport ;
- Les modalités d’établissement et de transmission des documents de transport par écrit ou par tout autre moyen électronique de transmission et de conservation des données ;
- L’équipement du sous-traitant en matériels et logiciels compatibles avec ceux dont est doté l’opérateur de transport afin d’assurer la continuité de la circulation des informations nécessaires à la bonne exécution du contrat de transport, ainsi que de téléphones portables et d’outils mobiles de communication. La formation à leur utilisation est à la charge de l’opérateur de transport ;
- L’équipement en matériels de géolocalisation permettant de situer le ou les véhicules et les marchandises afin d’assurer la prévention et la protection contre les risques d’atteinte aux personnes et aux marchandises ainsi que les modalités de mise à disposition gratuite, de gestion et de restitution de ces matériels ;
- La mise aux couleurs de l’opérateur de transport ainsi que le port de sa marque ou celle de l’un de ses clients par les personnels et/ou matériels du sous-traitant, conformément aux pratiques commerciales courantes, ainsi que les modalités de fourniture et de restitution des tenues, de la mise aux couleurs du matériel et du retour à l’état initial dudit matériel, moyennant une contrepartie financière ;
- Un document listant l’ensemble des obligations en matière de sûreté. On entend par « sûreté » les mesures ou précautions à prendre pour minimiser les risques liés au transport de marchandises classées dangereuses ou sensibles, ou pouvant mettre en danger des personnes, des biens ou l’environnement.
Toutes ces précisions sont extrêmement intéressantes notamment dans le cadre des relations qui lient les opérateurs de transports avec leurs partenaires sous-traitants dans le cadre du dernier kilomètre.
Ces derniers kilomètres où des véhicules légers sont utilisés majoritairement et pour lesquels les relations sont parfois “mal” définies ou trop imprécises et donc source de litiges.
La notion de droit du sous-traitant
L’article 5 du nouveau contrat-type indique “Droits et Obligations du sous-traitant”.
Cette nouvelle mouture indique donc clairement les “DROITS” des sous-traitants trop souvent délaissés.
Le sous-traitant conserve le libre choix de ses clients , de l’utilisation de ses moyens et de ses fournisseurs.
Un opérateur de transport ne peut donc pas imposer à un sous-traitant la mise en place de tel chauffeur avec tel véhicule pour telle tournée, comme c’était le cas parfois.
La sous-traitance en cascade est toujours interdite sauf accord écrit entre les parties, “Opération par opération”. En cas de non respect de cette clause, l’action sera assimilable à un dol.
Attention, la prescription en cas de dol est de 3 ans et pas annuelle comme la règle en transport routier de marchandises.
Le sous traitant doit aussi signaler par tous moyens tous les dysfonctionnements rencontrés risquant de nuire à la qualité de service, mais aussi toutes informations risquant la non mise en ouvre de la prestation convenue (procédure collective par exemple).
Le respect de la réglementation sociale et des temps de conduite y est clairement indiqué.
Dans le cadre du transport routier de marchandises, cet article responsabilise encore plus les opérateurs de transports qui ne peuvent donner d’instructions de livraisons qui demanderait de ne pas respecter la réglementation sociale applicable aux conducteurs routiers.
Dans le cadre du transport léger, les opérateurs de transports devront certainement revoir leurs cahiers des charges afin de s’assurer que leurs sous-traitants puissent respecter la réglementation sociale.
Aujourd’hui, de nombreuses tournées du dernier kilomètre ne permettent pas le respect pour le sous-traitant de la réglementation sociale. Un changement à venir ?
Le matériel informatique intégré au contrat-type
Les scanners et autres matériels informatiques mis à disposition des conducteurs sous-traitants dans le cadre leurs missions n’étaient pas forcement liés à une clause contractuelle. Dorénavant, c’est la cas avec l’article 6 de ce nouveau contrat-type. Le remboursement aux frais du sous-traitant en cas de perte ou avaries est un donc maintenant une règle. Gare aux oublis sur les quais …
Le conducteur n’est pas oublié
Le transporteur sous-traitant doit maintenant veiller sur 3 points précis à l’égard de son personnel de conduite :
- La qualification du conducteur
Le sous-traitant doit contractuellement s’assurer que son personnel de conduite est formé avec la conduite d’un véhicule, ses équipements et si nécessaire formé aux matières transportées.
Aussi, la discrétion et la prudence professionnelle sont insérées dans l’article 7.1.a afin de responsabiliser les sous-traitants à la prévention des vols notamment.
- La relation entre l’opérateur de transport et son salarié
Dans le cadre de la sous-traitance, le conducteur n’était que le préposé de l’opérateur et ne pouvait donc pas recevoir d’instructions directement de l’opérateur de transport, notamment à cause du risque de requalification contractuelle existant par un lien de subordination manifeste.
Dorénavant, il est précisé contractuellement que ” l’opérateur de transport peut être amené à donner des instructions ponctuelles au conducteur du sous-traitant, sans remettre en cause le lien de subordination juridique du conducteur au sous-traitant.”
Cette clause est une bonne chose, notamment dans le cadre du transport léger où il persiste de nombreux contacts téléphoniques entre les exploitants et les conducteurs sous-traitants .
- La sécurité
La sécurité du conducteur et de la marchandises sont inclus dans l’article 7.3 dès lors que le sous-traitant doit se conformer au respect des protocoles de sécurité, et consignes de sécurité en règle générale applicables sur “les lieux où il est amené à intervenir”.
Le prix des prestations effectuées par le sous-traitant
Tout comme l’ancienne version du contrat-type, la nouvelle version indique que c’est au sous-traitant de calculer ses coûts et ainsi déterminer les prix des prestations demandées qu’il porte à la connaissance de son client. Les prix sont alors négociés au moment de la conclusion du contrat.
Une nuance apparaît cependant avec la disparition de l’article 10.2 qui spécifiait jusque là que “le prix convenu doit permettre au sous-traitant de couvrir l’ensemble de ses charges directes et indirectes engendrées par la prestation rendue” . Espérons que cet nuance n’ouvre pas la porte à d’autres dérives.
Aussi, il est convenu que les contrats peuvent être renégociés dès lors qu’un événement vient modifier l’équilibre économique d’un coté comme de l’autre : perte d’un client ou d’une partie des prestations ….A défaut d’accord entre les parties, la possibilité de résiliation est offerte aux parties en respectant les délais de préavis.
Obligation de loyauté, non démarchage et de confidentialité
L’obligation de loyauté fait son apparition dans le contrat-type. Cette obligation qui reste d’une logique simple, était jusque là incluse dans certains contrats particuliers mais pas dans une majorité.
Il s’agit d’une mesure qui permettra sans nul doute d’éviter une concurrence déloyale et sans scrupules qui intervient parfois dans le cadre d’une sous-traitance.
Assurances
L’article 11.2 précise que “le sous-traitant fait son affaire personnelle de la couverture des risques d’incendie et de vol du véhicule.” mais il précise également que “le cas échéant et sur demande expresse de l’opérateur de transport, le sous-traitant assure l’ensemble des matériels confiés par l’opérateur de transport.”
Les assurances ont un rôles important notamment dans le cadre de la gestion des litiges, il convient dont de préciser les obligations et responsabilités en termes d’assurance pour chacune des parties au contrat.
Le sous-traitant devra pouvoir fournir à n’importe quel moment à son opérateur de transport les attestations d’assurances définies à la conclusion du contrat.
Facturation du sous-traitant
Contrairement à l’ancienne version où le sous-traitant devait établir sa facture “selon une périodicité qui ne pouvait excéder un mois”, la nouvelle version indique clairement une facturation “mensuelle” adressée à l’opérateur de transport dès que possible.
La notion de pré-facturation
La pré-facturation était “tabou” pendant longtemps et fait parti désormais du paysage réglementaire transport.
En effet, pendant longtemps on estimait que l’opérateur ne devait pas établir de pré-facturation, laissant le sous-traitant “libre” de facturer les prestations effectuées.
Il est désormais possible réglementairement d’opter pour la pré-facturation, avec laquelle l’opérateur de transport remet à son sous-traitant l’ensemble des opérations de transport qu’il a effectué afin qu’il vérifie l’exactitude et établisse sa facture.
Le sous-traitant reste donc maître de sa facturation et peut donc demander une modification de la pré-facturation en y opposant les éléments contradictoires en sa possession.
Le sous-traitant devra faire apparaître “les charges de carburant supportées pour la réalisation des opérations de transport”. Est ce qu’il s’agit de la clause de surcharge carburant ou bien le sous-traitant devra t’il détaillé l’intégralité de ses charges de carburant ?
Afin de protéger les sous-traitants, il est dorénavant écrit sur le contrat-type qu ‘il est formellement interdit d’imputer unilatéralement des dommages sur le montant de la facture due.
En cas de non paiement partiel ou total d’une facture par l’opérateur sans formalités préalable entraîne le paiement immédiat de toutes les sommes dues au sous-traitant. Ce manquement permet au sous-traitant de rompre immédiatement le contrat 15 jours après avoir mis en demeure l’opérateur de transport.
Cette clause permet de redistribuer les cartes entre les opérateurs de transport et leurs sous-traitants. En effet, il était parfois difficile pour les sous-traitants de faire valoir leurs droits dans le cas d’imputation unilatérale par peur de perdre leur client.
La clause résolutoire évolue elle aussi.
La durée du préavis évolue légèrement notamment lorsque la relation contractuelle est supérieure à 3 ans. C’est dans ce cas qu’un changement a été apporté.
- Durée de la relation supérieure ou égale à 6 mois : préavis d’un (1) mois
- Durée de la relation supérieure à 6 mois en inférieure ou égale à un (1) an : préavis de deux (2) mois
- Durée de la relation supérieur à un (1) an et inférieure ou égale à trois (3) ans : Préavis de trois (3) mois
- Durée de la relation supérieure à trois (3) ans : préavis de quatre (4) mois
En cas de manquements graves et répétés de l’une des des parties à ses obligations, il était possible jusqu’à aujourd’hui de mettre fin au contrat sans préavis, ni indemnités. Ceci laissait souvent place à des scénarios parfois catastrophiques pour les sous-traitants …
Dorénavant, en cas de manquement graves et répétés, il sera nécessaire de mettre en demeure l’autre partie mentionnant la clause résolutoire. Si elle reste sans effet, alors l’autre partie pourra mettre fin au contrat par lettre recommandée avec avis de réception sans préavis, ni indemnités. En espérant, que ce délai de 15 jours ne soit pas considéré par beaucoup comme durée de préavis …
Conclusion
En conclusion, ce nouveau contrat-type apporte d’avantage de précisions quant aux relations entre les opérateurs de transport et leurs sous-traitant.
La responsabilité des donneurs d’ordre y est plus présente et permettra, sans doute, une meilleure arme face au dumping social existant actuellement sur le territoire national.
Aussi, les droits de sous-traitant sont plus marqués et les protègent un peu plus.
Espérons que ce contrat type apportera à toute la profession satisfaction.
Luc GRZESIAK – Président de CFTL-TRANS’FORMATION